Le plus long chemin commence par un pas... Alors en avant!
Jour 1 : 21/09
Depart : Spituk 9h00
Arrivee : Rumbok 18h00
Depuis la ville de Leh, pas de difficulte pour trouver un minibus qui nous conduit a Spituk. Au sommet de la colline de ce charmant village agricole trone un monastere boudhiste a l'architecture tibetaine : batiments carres et massifs, murs blanchis a la chaux, interieur colore... C'est de la que debute notre trek.
Avant de nous lancer, nous nous accordons le temps de boucler les derniers preparatifs : barbouillage de creme solaire, Sophie met ses lentilles, je vais aux toilettes... Oups! J'ai la chiasse! Pas terrible au depart de 6 jours de rando. Il est donc 9h00 quand nous gravissons les premieres marches qui menent au monastere. Apres une visite rapide, nous descendons de l'autre cote de la colline, en direction du village en contrebas. Des hommes a la peau tres sombre travaillent dans les champs, une vieille femme marche courbee sous un enorme fagot de ble et tous les locaux nous sourient ou nous adressent un joyeux "julley", un mot qui veut tout dire a la fois.
Nous atteignons le pont qui traverse l'Indus, ou il nous faut payer un droit d'entree pour le parc national. Nous passons au-dessus de cette riviere qui a vu naitre les premieres civilisations indiennes.
Une piste poussiereuse s'allonge devant nous dans un decor lunaire!
Seules les rives de l'Indus, un peu plus bas sur notre droite, abritent quelques coins de verdure. De grands peupliers pointent fierement vers un ciel trop bleu. "Les peupliers sont des arbres ripisylves" me precise tres scientifiquement Sophie!
Un petit groupe de chevaux, menes par leur proprietaire, nous rattrape. Ils sont tous charges d'une quantite impressionnante de materiel de camping surement destine a des touristes qui louent les services d'une agence.
Cette traversee du desert, dans un paysage de roche et de poussiere, dure plusieurs heures. Au bord de la route, des hommes travaillent a son reamenagement. Ils portent, sous un soleil brulant, des sacs de pierres qui doivent peser une tonne, pendant que d'autres les taillent a coups de marteau en cubes plus facilement manipulables. Suis-je insensible pour continuer ma promenade-loisir comme si de rien n'etait? L'injustice est flagrante : ils se tuent pour avoir le droit de manger tandis que moi, je prend du bon temps. Pourtant, je ferme lachement les yeux et continue a marcher.
Nous cessons de suivre l'Indus pour remonter l'un de ses affluents nomme Jingchan. Un peu plus haut, une grande tente blanche comme on en voit beaucoup par ici nous offre l'occasion d'une courte pause. Une tasse de the parfume entre les mains, nous papotons avec un petit groupe. C'est un vieux monsieur qui tient ce "restaurant" de montagne. Il offre a chacun de nous une pomme pas bien grosse et un peu gatee. C'etait juste beau ce petit moment.
Nous depassons le camp de Zingchan et les paysages changent completement : un vrai sentier de montagne a remplace la piste desagreable des premieres heures. A maintes reprises nous devons franchir la riviere. Soit par un pont, soit en equilibre sur un tronc d'arbre, soit carrement en enlevant les chaussures!
Mais le plus drole, c'est quand je veux lance mon sac sur l'autre rive pour traverser plus librement. Celui-ci rebondit sur une pierre pour atterir dans l'eau. Par chance il flotte, mais le voila qui devale la pente entraine par le courant. Je bondis de rocher en rocher au risque de me faire mal, puis me jette a l'eau a mon tour pour le rattraper. Je ressors mouille jusqu'aux genoux et de la flotte plein les godasses. Aglagla, c'est froid! D'autant plus que le soleil commence a disparaitre. La marche cependant me tient chaud.
La derniere surprise de la journee est un groupe de bouqutins himalayens (ou animal ressemblant). Ils sont nombreux a se deplacer a flanc de montagne.
Nous arrivons a ce que nous pensons etre Rumbok : deux tentes blanches et un gros yack noir. Nous continuons encore un peu avant de poser notre camp pour la nuit.
Jour 2 : 22/09
Depart : Rumbok 7h30
Arrivee: Shingo 17h00
Nous continuons a suivre la riviere qui se reduit desormais a une multitude de petits ruisseaux dans une vaste plaine rocailleuse. Notre sentier s'eleve peu a peu, et offre des vues agreables sur la vallee.
Au village de Yurutse (une seule maison), nous prenons un copieux petit dejeuner chez la famille vivant ici : riz, legumes, soupe de lentille, the... C'est donc le ventre bien rempli que nous attaquons l'ascension du premier col.
Sur le chemin, de nombreuses marmottes viennent nous encourager. Ce sont de grosses marmottes, toutes dodues et poilues! Elles se montrent tres curieuses et ne fuient pas forcement a notre passage.
Les derniers metres de la montee sont vraiment essouflants! Derriere nous le "Stok Kargil", un sommet a plus de 6000 metres, se dresse majestueux.
Puis enfin nous posons le pied au sommet du col de Ganda, 4970m. Nous gonflons nos poumons d'air frais et d'orgueil, puis, pour la modestie, nous nous rememorons que "l'important n'est pas la ou l'on arrive, mais la d'ou on est partis"!
Ce moment de gloire ephemere passe, nous nous engageons dans une longue descente a travers une jolie vallee. Les ampoules sous nos pieds rendent cette etape difficile.
La pause repas dans une maison de Shingo n'a rien a voir avec celle du matin : repas insuffisant, abus sur les prix, hotesse desagreable, et en prime deux momes degueulasses et insupportables. Mettons cela sur le compte de la difference culturelle!
En quittant ce minuscule village, nous nous enfoncons dans des gorges formees de conglomerats.
Nous progressons lentement, un coup rive droite, un coup rive gauche. Sur une falaise nous observons les memes bouquetins que la veille. Leur numero d'agilete m'impressionne. : ils courent, sautent et grimpent avec une telle aisance! Je n'imaginais meme pas qu'ils pouvaient tenir sur des murs aussi verticaux... Et c'est un grimpeur qui parle! A chaque accrobatie, ils donnent l'impression qu'ils vont s'ecraser a nos pieds. Le spectacle est sensationnel!
Peu apres, nous trouvons une parcelle de sol depourvue de cailloux bien que toujours inconfortable. C'est ici que nous installons notre maison de voyage.
Jour 3 : 23/09
Depart : Shengo 7h30
Arrivee : Markha 18h00
La descente des gorges se poursuit avec les traversees de rivieres que cela implique. A Skyu, nous achetons un bol de nouilles a un petit vieux a moitie aveugle. Pendant que nous mangeons sur un banc a l'exterieur, il vient s'assoir par terre en tailleur et commence sa magie. A l'aide d'un gros soufflet en peau de bete, il ravive un faible feu qui semblait totalement eteint. Puis, d'une main sure malgre l'age, il tape sur une grosse pointe en fer avec son petit marteau. Il la faconne selon son desir, frappe d'un cote, de l'autre, la fait tourner entre ses mains... Les gestes sont precis comme repetes depuis toujours. Oui, vraiment, pour moi, c'est de la magie.
Nous sommes desormais sur les rives de la riviere Markha, dans la vallee eponyme, celle qui a donne son nom au trek. Nous remontons le courant toute la journee, jusqu'au village egalement appele Markha, que nous atteignons en fin d'apres-midi.
Nous sommes excessivement fatigues ce soir la. Nous questionnons les gens du village pour trouver un endroit ou manger. Une femme nous fait signe de la suivre. Quand nous demandons combien coute le dinner, elle repond dans un sourire : "As you like." Quelle plus belle reponse? Elle nous fait entrer dans sa petite maison de pierres et de bois, perchee pres du monastere. Nous nous asseyons, et aussitot une tasse de the au lait est placee devant nous. La jeune femme nous questionne sur ce que nous voulons manger, ce a quoi nous repondons "Quelque chose de simple". Nous ne voulons pas deranger et nous sommes impatients de filer au lit. C'est alors qu'elle se lance dans la longue preparation de "momos", sorte de raviolis tibetains! Elle coupe les legumes, les fait revenir avec des epices, prepare la pate, l'etale, detaille de petits cercles a l'emporte-piece, confectionne les raviolis puis les fait cuire a la vapeur. Entre temps d'autres membres de la famille viennent s'entasser dans la petite piece : la mere, la toute ridee grand-mere, et deux hommes. Tout le monde aide, et tout le monde connait les gestes exactes. Pendant la cuisson, les hommes s'assoient et vident en bavardant une bouteille de "tongba", biere de millet himalayenne. Moi, je deguste a petite gorgee les tasses de the que l'on me sert les unes apres les autres... Puis j'observe. Il faut bien une heure et demi pour preparer le repas, mais le resultat est un regal. La premiere bouchee me sort de la torpeur dans laquelle m'avait plonge la fatigue.
Il fait bien nuit quand nous quittons la chaleureuse maisonnee. Nous nous resignons donc a dormir sur le site de camping officiel.
Jour 4 : 24/09
Depart : Markha 8h30
Arrivee : Thochuntse 17h30
Au camping nous faisons la connaissance de Guillaume, un Francais qui fait un trek en compagnie d'un guide. Ils nous offrent petit dejeuner et the, et surtrout, Guillaume nous fournit de quoi soigner correctement l'enorme ampoule que So se traine au pied.
Des le debut de la randonnee, deux traversees de riviere nous obligent a nous dechausser. De quoi finir de nous reveiller! Nos compagnons de camping prennent ensuite de l'avance. Nous ne les retrouverons qu'au village de Hangkar, ou ils s'arretent pour la nuit meme si il n'est que 14h00. Ils partagent tres genereusement leur copieux repas avec nous. Nous bavardons encore un peu avec Guillaume avant de reprendre la marche.
Un sentier tres raide grimpe sur une petite montagne couverte de "stupas" et de murs de prieres. Juste derriere se trouve l'autre moitie du village. Toutes les maisons sont entourees par des champs cultives. Comment font-ils pour obtenir des cultures si riches a une telle altitude?
Deux heures plus tard, nous passons le camp de Thochuntse. Le sentier quitte la riviere et monte entre taureaux et vaches. Un cheval blanc s'amuse a effrayer un groupes d'anes en leur sautant dessus. Le vent se leve et les temperatures chutent quand le soleil se cache derriere le relief. Nous montons la tente en jouant!
Jour : 25/09
Depart : Thochuntse 7h00
Arrivee : Chokdo 17h00
Nous marchons vers l'Est, les yeux baisses car eblouis par le soleil levant. Ca monte dur des le depart et nous sommes maintenant hauts par rapport a la riviere Markha. Un tout petit etang apparait soudainement. Les algues flottant a sa surface ne nous encouragent pas a remplir nos gourdes ici. Mais le grand pic qui s'y reflete lui donne des allures de "Grand Lac".
Le chemin redevient a peu pres plat et finit par rejoindre les bords de la riviere, exactement la ou quelques tentes de bergers marquent l'emplacement de Nimaling. Douce pause au soleil pour un the et un bol de nouilles.
Au moment ou nous decidons de partir, le berger rappelle ses betes. Le troupeau nous bloque donc l'acces au pont. Ce sont nos dernieres minutes de repos avant la terrible ascension du col de Gongmaru!
La pente n'est en fait pas excessivement raide, mais l'altitude me coupe le souffle, et je sens un mal de tete qui commence a poindre. 5130m! Ce n'est quand meme pas rien! Cette fois, au diable la modestie!! On contemple la vue en grignottant un biscuit offert par un Anglais croise au sommet.
Le plus dur reste a faire : descendre! Mon mal de tete augmente au fur et a mesure que l'altitude diminue. Le contraire de la logique. Sophie fatigue aussi beaucoup et prend peur sur quelques passages un peu vertigineux.
Nous arrivons enfin, epuises, au village de Chokdo ou encore une fois nous avons le plaisir de decouvrir la vie paysanne de montagne.
Nous sommes accueillis par une famille qui cuisine pour nous un "thukpa", une riche soupe de nouilles et de legumes. Nous plantons aussi la tente sur leur terrain.
Jour 6 : 26/09
Depart : Chokdo 7h00
Arrivee : Karu 12h30
Nous prenons notre petit dejeuner chez la meme famille. Mon mal de tete a totalement disparu pendant la nuit. En une heure, nous atteignons le village de Shang Sumdo, d'ou part une piste carrossable. Ce n'est plus vraiment de la rando a proprement parler, mais il faut encore marcher quelques heures.
Malheureusement, Sophie trebuche et s'etale de tout son long, les deux coudes ouverts! Par consequent nous decidons de ne pas nous rendre jusqu'au monastere d'Hemis comme prevu au depart, mais d'abreger la derniere journee en filant directement a Karu. De la nous prenons un bus pour rentrer a Leh.